[Post-BPR] Mauvais Rêves

Prologue ~

La maison, puis le couloir, puis le désert, puis l'automobile. Fenrir transpire à cause de la chaleur intense – même si ce n'est là qu'un simple vingt-neuf degrés celsius, l'hiver pour le peuple des Cactés. La poignée de son arme coincée sous ses doigts gantés, fourrés dans la poche de son ample vêtement, il prie d'une main, comme le font tous les adeptes de Shiva. Même si cela lui demande beaucoup de concentration – un ressort de son siège pointe dans ses fesses. C'est déconcentrant.

Fenrir n'a jamais cru en aucun dieu. Ils ne sont que légendes pour expliquer d'autres légendes, et pour lui, cette connerie de Bible n'est qu'un roman de fantastique, de fiction, un recueil d'écrits mythologiques particulièrement ennuyants. Il a déjà tenté de se ranger du côté de Shiva, mais tout ce qu'il en a reçu, de ce culte immonde, c'est une maîtrise convenable de la magie Périodique et un trou du cul bien dilaté.
Assis à l'arrière du Jeep décapotable, le ressort bien enfoncé dans sa fesse gauche, coincé entre ses compagnons, tous vêtus d'amples vêtements de tissus du désert, faits pour garder le corps à l'ombre même si on en a la bouche sèche rien qu'à les regarder, et avec leurs lunettes de soleil sur le nez, c'est évident pour quiconque les voit que Fenrir et sa bande ne sont pas dans une sortie de routine. Évident pour tous ceux qui ne connaissent pas la chaleur du désert Cacté et son soleil rouge.
En fait, à bien y penser, la seule chose qui peut paraître étrange dans tout ce tableau, c'est l'homme priant.

-Pourquoi tu pries? demande alors le compagnon le plus près dudit homme, fort à propos.

Fenrir tourne son regard précédemment fixé dans le vide vers lui. C'est Pyro, un jeune homme âgé d'à peine vingt années, de grandeur moyenne, de charme moyen et d'intelligence moindre au teint bronzé, aux yeux verts et rieurs, au sourire agaçant et aux cheveux mi-longs aussi bruns que les vêtements qu'il porte. Ses traits ne sont ni particulièrement fin, ni très brutaux. Il ne doit son succès auprès du sexe opposé qu'à ses grimaces faciales qu'il nomme sourires et que les femmes trouvent si charmantes.

-Parce que j'en ai envie, répond Fenrir, agacé, comme toujours, par le regard insistant du gamin.

-T'as fait un mauvais rêve, n'est-ce pas?

Là, c'est un voix douce, plus aigüe et indubitablement féminine qui vient de parler. Enfin, de crier pour couvrir le son du moteur. Cette voix appartient à Élise, le seul membre de la Chute à posséder un quelconque charisme. Cela n'est pas dû qu'à ses courbes généreuses, sa grâce féline et son regard envoûtant, non; son intelligence vive et efficace, combinée à ses yeux en amande, ses longs cheveux châtains, ses lèvres assez pulpeuses pour qu'à elles seules elles fassent fantasmer un homme sain d'esprit, dessinées comme si un être divin quelconque avait pris la peine d'user son crayon, tous ces facteurs conviennent à placer l'affectif « parfaite » sur Élise. Toujours pour un homme sain d'esprit, évidemment.

-Non.

Fenrir est un adepte de la monosyllabe, des phrases courtes, sèches et tranchantes. Sa compagne sourit d'un sourire unique, félin et canin, envoûtant et féroce.

-Tu as fait un mauvais rêve, c'est évident, insiste Élise avec son ton doucereux, et l'ancien adepte de Shiva ne se sent pas de la contredire.

-Tu lis en moi comme dans un livre ouvert, fait-il avec l'ombre d'un sourire.

-Un livre écrit avec des putains de grosses lettres, mon vieux! s'écrie Pyro, et à lui seul il achève de briser tout le peu de magie du moment.

Un petit silence.

-Alors? fait la seule femme à bord à l'adresse de son compagnon, tellement bas que le vrombissement du moteur du Jeep recouvre à moitié sa voix.

-Alors quoi?

-Qu'as-tu vu dans le rêve?

Fenrir cesse de prier, et reporte son attention sur la route et le désert qui les entoure, les enlaçant de ses chimères bouillantes. La magie a toujours été déréglée dans le Désert des Cactés; aussi les mirages sont très fréquents, et parfois violents. Le conducteur du Jeep, assis dans sa petite cabine aérée artificiellement, ne semble pas en être très dérangé.

-Dis-le moi.

La voix d'Élise sonne étrangement, même si Fenrir est le seul à s'en rendre compte, Pyro se concentrant plus sur ce qui pouvait entrer possiblement dans la bouche de sa compagne que sur ce qui peut bien en sortir.

-Je l'ai encore vu...

J'ai encore rêvé du BPR.