(Voici une petite série de capsules à morales changeantes, parfois attendrissantes, parfois sanglantes, concernant mes personnages et leurs histoires. Sachez que les capsules ne suivent pas vraiment d'ordre chronologique. Merci de votre compréhension et bonne lecture.)
« Hé, petite Osamodette… ça ne va pas? »
Une voix de gamine… mélodieuse tellement elle est enfantine. On y entend la fraîcheur, l’épopée des saisons, on y sent l’odeur des fleurs écloses en ignorant celles qui sont fanées, on y voit le vert des feuilles sans considérer qu’elles puissent être un jour oranges, rouges et puis brunes… Et un rire, un rire si parfait…
« Je ne peux pas t’aider si tu ne me réponds pas, tu sais… »
Répondre? Mais elle ne veut que ça.
Converser avec cette belle voix d’enfant, pour l’éternité, sans se soucier de son père, de sa prison, de ce monde. N’entendre qu’elle, en ignorant les cris, les pleurs, les sanglots, le…
Tonnerre.
Kalima sursauta, sortant brusquement d’un demi-sommeil. Couchée sur le dos dans un lit bien trop grand pour elle seule, elle entendait la pluie cliqueter sur les parois du toit et ruisseler sur les fenêtres de la grande demeure du Bord d’Elles. Otomaï… île paradisiaque, pour peu que l’on aime se faire réveiller en pleine nuit par d’incessants orages. Mais la promise au Dieu Osamodas y était habituée. La plupart du temps, elle ne dormait pas, et elle passait la nuit à écouter la pluie tomber et le tonnerre tonner.
Un soupire, un éclair.
Pourquoi vivait-elle? Cette question fort existentielle la hantait depuis très longtemps. Certes, elle aimait des personnes, et des personnes l’aimaient; mais elle ne voyait pas là une raison valable, prenant pour acquis, à juste titre, que tous ses amis et amants finiraient par mourir, alors qu’elle, immortelle, vivrait pour toute l’éternité, hantée par ses tourments. Hantée par les souvenirs de…
« Belle Kalima! »
Encore un sursaut pour l’Osamodette qui se retourna brusquement sur sa couche pour faire face à la direction de la voix. Voix qui tenait en un chuchotement, mais un chuchotement brusque, puissant malgré son faible ton. C’était Alilium, sa sœur jumelle, qui se tenait face au lit, vêtue d’une simple petite culotte en dentelles, son haut s’étant évaporé pour une quelconque raison.
Kalima plissa les yeux en observant sans aucune arrière-pensée la poitrine ainsi dévoilée. Sa sœur était-elle assez fière de son 95D pour l’afficher aussi ouvertement, dans une maison où dormaient plusieurs hommes?
Curieusement, la disciple du Dieu invocateur ne s’en doutait pas.
« Qu’est-ce que tu veux? demanda cette dernière, la voix un peu endormie mais surtout lasse.
- Je… heum… je voulais savoir si je… »
Alilium se tût et ses joues se teintèrent d’une timide couleur rosée. Kalima se mit en position assise sur le lit et haussa un sourcil, surprise que sa sœur puisse témoigner d’une quelconque gêne à n’importe quel propos.
Surtout quand sa poitrine était à l’air.
« Je peux… dormir avec toi? » bafouilla la Sacrieuse.
Kalima mit tout son effort dans la compréhension de ce message. Il y a avait un vacarme fou avec cette pluie et tout ce tonnere, sa sœur chuchotait et articulait mal qui plus est, mais ce qui lui prit le plus de temps à assimiler totalement fut le message en tant que tel.
« Tu veux… dormir avec moi? répéta l’Osamodette, incrédule.
- Voui. J’ai peur des orages… »
L’aveu de sa sœur aurait presque fait rire l’invocatrice, mais elle la sentait sérieuse. Ses lèvres esquissèrent un sourire attendri.
« D’accord, tu peux venir. »
Alilium lui rendit son sourire et sauta dans le lit tandis que Kalima esquivait automatiquement. Les deux se couchèrent sur le côté, se faisant face.
« Depuis quand as-tu peur des orages?
- Depuis toute petite. Tout ce bruit, ça me fait toujours sursauter et je… je panique pour rien.
- Ma pauvre chérie… »
Un moment de silence… Les nuages continuaient de pleurer sur Otomaï, et le bruit des fines gouttelettes d’eau se fracassant sur les parois de la maison était très apaisant.
« Kali?
- Mmmh?
- Je trouve qu’on ne se connaît pas beaucoup, pour deux sœurs jumelles. »
Kalima se redressa sur ses coudes.
« Ah bon?
- Vi. C’est vrai, quoi… On n’est pas super gentilles l’une envers l’autre.
- Je te le concède.
- Mais au fond, je t’aime bien, tu sais.
- … Moi aussi, je t’aime bien, Ali.
- On en reparlera demain si tu veux… je suis effondrée.
- Oui. On en reparlera demain. »
L’Osamodette regarda sa jumelle fermer les yeux et s’endormir relativement rapidement, surtout pour une pauvre femme vivant une phobie des orages. Ses cheveux mauves étaient détachés, ses grandes oreilles étaient plaquées sur son crâne, détendues. Elle était vraiment très mignonne ainsi… Et Kalima se surprit à se demander ce qu’elle attendait vraiment de sa sœur. En effet, elle lui en voulait depuis qu’elle savait que Timelia, son ex-fiancée, la trompait avec elle, mais… Elle n’avait jamais réellement eu de famille, en fait. Élevée par un père violent à l’excès, délaissée par le reste de sa famille, abandonnée de sa mère, le seul réconfort qu’elle avait pu trouver résidait entre deux bras : ceux de Prière-du-Soir, sa sœur adoptive. Mais elle n’avait jamais réellement eu de famille. Elle ne savait pas, en fait, comment réagir avec une vraie sœur, jumelle qui plus est. Ses sentiments se bousculaient à l’intérieur d’elle : déteste-la, cette pute s’est faite Timelia dans ton dos. Aime-la, c’est ton unique sœur, ta seule famille dans ce monde dégénéré. Déteste-la, elle se moque de toi à longueur de journée, elle s’acharne contre toi. Aime-la, après tout, ce sont les jeux habituels entre deux sœurs…
Soudain, un violent coup de tonnerre retentit, et Alilium sursauta, poussant un petit cri. Elle chercha immédiatement à chercher du réconfort dans les bras de Kalima. Bouleversée, celle-ci l’enlaça, caressant les cheveux et chuchotant des mots réconfortants à cette guerrière qui pleurait à chaudes larmes dans ses bras, comme une enfant…
« Hihi, il faut savoir pleurer comme un enfant dans la vie, tu sais? Les enfants pleurent quand ils en sentent le besoin, sans besoin de cacher leurs larmes par fierté ou par faiblesse. Puis ils voient un nouvel endroit, un nouvel objet, ils s’y intéressent, et ils finissent par oublier leurs peines pour voguer vers une autre aventure. »
Les enfants… Kalima sentait encore la douce chaleur de l’enfant contre elle…
Et soudain, elle comprit. Tout devînt clair dans son esprit torturé, tandis qu’elle serrait sa sœur contre elle.
« Ali? Ça va mieux?
- Oui… Oui, désolée.
- Ali, je dois te dire quelque chose.
- … Je t’écoute.
- Je t’aime. »